Nous allons publier paragraphe par paragraphe un long point de vue écrit par Paul Lootens, ancien président de la Centrale générale de la FGTB
« Depuis plus de 30 ans, la crise a bon dos. On nous sert toujours le même discours, les mêmes politiques d’austérité, les mêmes remèdes. On nous demande encore et toujours de faire des efforts car cela ira mieux demain… », écrivait en 2013 mon ami et camarade de la Centrale générale Carlo Briscolini, alors président de la FGTB Charleroi, dans l’excellente brochure Politique et indépendance syndicale. 8 questions en relation avec l’appel du premier mai 2012 de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut.
Effectivement, depuis plus de 30 ans, le monde du travail est sur la défensive. Il se trouve globalement dans un combat continu pour « limiter les dégâts ». De plus en plus de syndicalistes se demandent jusqu’où nous reculerons et quand nous retrouverons le chemin d’une reconquête sociale. Une reconquête qui n’aura pas pour but de restaurer le passé, mais de s’inspirer du passé – tant sur le plan du modèle social que de la stratégie de conquête sociale – pour construire la société sociale et solidaire de demain.
Cette question est aussi bien posée à la FGTB qu’à la CSC. Dans les documents préparatoires au dernier congrès de la CSC, on pouvait lire : « Nous ne devons pas nous attendre à obtenir de nombreuses avancées, ni avec le gouvernement fédéral actuel, ni d’ailleurs par le biais de la concertation interprofessionnelle. Nous risquons bien de nous retrouver pour des années dans une position défensive forcée. Il s’agira pour nous de sauvegarder ce que nous avons aujourd’hui comme possibilités de participation. Nous devons toutefois profiter de cette période pour mettre au point notre nouvelle vision ainsi qu’un plan d’action permettant d’inverser les relations »[1].
On le cherche toujours, ce plan d’action qui permettra « d’inverser les relations » et de changer le rapport de force au bénéfice des travailleurs. Dès 2012, la FGTB Charleroi a avancé de premières pistes de redéploiement. « Le chômage massif, la précarisation du travail, le morcellement de l’emploi, l’internationalisation du capital et le rôle despotique de l’Union européenne font que les rapports de force dans les entreprises sont de plus en plus défavorables aux travailleurs. Pour y faire face, nous avons évidemment besoin en premier lieu d’un syndicalisme plus combatif et démocratique (qui se donne les moyens d’actions pour changer le rapport de force ; qui ose poser des revendications anticapitalistes) et qui combat radicalement toutes les formes d’exploitation et d’oppression imposées à toutes les catégories de travailleurs et de travailleuses, dans les entreprises et dans la société́ en général. Mais cela ne suffit pas »[2].
Comme le dit le texte de la CSC, ce n’est pas des gouvernements actuels que nous devons attendre les moindres avancées sociales. À l’image des gouvernements d’Europe, les différents gouvernements belges (fédéraux, régionaux ou communautaires) s’inscrivent dans une politique d’austérité et de développement des inégalités. Ils suivent une politique qui serait la seule « rationnelle ». Il n’y aurait pas d’autres choix à la politique en faveur des plus riches, qui devrait un jour finir par profiter à toutes et à tous selon la doctrine libérale.
Mais que les travailleurs et la population n’aient pas grand-chose à attendre d’un gouvernement ou du monde patronal n’est pas une chose neuve. Il s’agit même bien souvent de la norme dans l’histoire du capitalisme.
La véritable question qui se pose en fait au mouvement syndical (et au monde associatif) est de savoir ce qu’il a à attendre de lui-même. Quels outils doit-il mettre en place pour redevenir un mouvement de conquête ?
Bien entendu, le mouvement syndical n’est pas la seule composante du mouvement social dans toute sa largeur. Mais il peut y jouer un rôle très important. Par leur grandeur et par la position qu’elles occupent dans l’économie, les organisations syndicales peuvent jouer un rôle de levier majeur pour faire tourner l’histoire dans le bon sens. Mais pour cela, un certain nombre d’ingrédients sont nécessaires…
[1] CSC, De vive voix. Congrès fédéral 2015 de la CSC, documents de travail, 25 décembre 2015, p. 7.
[2] FGTB Charleroi, 8 questions en relation avec l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut, 2013, p. 24.
A suivre