L’armée belge des Partisans armés (suite IX))

Bref résumé : « Hélas, là non plus les ressources n’abondaient pas. Souvent, les solliciteurs revenaient bredouilles, la rage au cœur et serrant les dents. Nous verrons plus loin à quelles opérations dangereuses les patriotes furent contraints pour sauver la situation. »

INTERMÈDE

I

C’était l’époque où la propagande rexiste battait son plein pour le recrutement de mercenaires destinés au front de l’Est. Une première déception avait ébranlé le führer. Les Russes ne tombaient pas à genoux, l’hiver avait été rude dans les steppes lointaines et, à grand renfort de tamtam, on rassemblait les amateurs au suicide. Des placards de foirail, aux couleurs de la Légion Wallonie, salissaient nos murs. Aux accents de fanfares grotesques, les miliciens se groupaient, s’embarquaient. Les journaux publiaient des comptes rendus hystériques de ces départs. Mais en réalité, n’y chantaient qu’une poignée de braillards maladifs, et n’y pleuraient que les parents affolés ! Les chroniqueurs ne nous parlaient jamais des sourires ironiques ni des regards méprisants de la foule échelonnée sur le parcours. L’insigne tricolore éclatant sur le feldgrau abhorré n’était qu’une injure au bon sens et au droit.

Tous les Belges n’étaient pas les valets d’Hitler, encore moins des soudards. On allait bien le voir… À Charleroi, rue Léopold, une charge d’explosifs fut jetée par le soupirail du local rexiste alors que les bandits s’entassaient là dans une exaltation crapuleuse. Heureusement pour les faux bourguignons, la bombe était de petit calibre. Les dégâts se bornèrent à une série de vitres réduites en miettes, et une frousse générale. Il ne fut pas possible d’évaluer immédiatement l’effet moral de cette explosion.

Les « embochés », les traîtres à tous crins, comprirent-ils enfin qu’un mouvement de réprobations se levait ? S’ils avaient cru un instant représenter l’élite de notre peuple, des pétards comme celui-ci durent les réveiller et les ramener à une réalité moins brillante. Et pour les autres, pour ceux qui ne gobaient pas les boniments des sergents recruteurs, ce fut le signal d’une ère nouvelle.

Enfin ! quelque chose venait de se manifester ; on commençait à se défendre ! Les tièdes sentirent leur vitalité s’éveiller, les plus pessimistes en arrivèrent à prédire la défaite de l’Allemagne ; et les vrais, ceux qui n’avaient jamais douté, trouvèrent dans tout cela le meilleur réconfort, le plus sérieux encouragement, la plus belle récompense.

II

Les explosifs parachutés par les Alliés et reçus par l’intermédiaire de Jean Roch offraient l’avantage d’une puissance et d’une maniabilité plus élevées. Par ce fait, le sabotage allait entrer dans une phase nouvelle.

Les Partisans se mirent à la recherche d’objectifs importants. Vêtus comme de simples ouvriers, ils visitèrent différents chantiers dont la production était très utile aux Allemands. Avec un aplomb extraordinaire, ils franchissaient les grilles comme de paisibles travailleurs attachés à l’établissement. Une fois dans la place, ils étudiaient l’emplacement des locaux intéressants, et la nature des obstacles qui en contrariaient l’approche. Leur attention se porta spécialement sur deux morceaux de choix : la Centrale Electrique du Charbonnage de Bas-Long-Pré, nerf moteur de tous les puits d’extraction des Charbonnages de Monceau-Fontaine, et les Ateliers Métallurgiques de la Providence à Marchienne-au-Pont.

Février 1942

Un dimanche… la nuit… il gelait. Silencieusement, des ombres se glissaient vers le charbonnage de Bas-Long-Pré. Cinq hommes ayant pour se défendre deux révolvers et quelques matraques. Mais leurs sacs recélaient une bonne provision de dynamite. Un à un, ils atteignirent le mur noir et se fondirent dans l’obscurité. Ils se regroupèrent près d’une porte massive et scrutèrent les environs, épiant le moindre bruit, la moindre lueur …

De temps à autre, un homme soufflait doucement sur ces doigts engourdis. La nuit était froide… Voici le moment venu. Le but était là, derrière cette porte. Il fallait agir rapidement et sans bruit, la surprise étant le meilleur facteur de réussite. Avec précautions, le premier de la file poussa la porte… Rencontrant quelque résistance, il accentua sa poussée… Un crissement inopportun fît naître un frisson aux flancs de ces hommes aguerris… Une nouvelle tentative donna le même résultat : ce maudit raclement de pierrailles !

Les cinq patriotes réalisèrent leur malchance. La gelée avait occasionné le renflement du sol ou le durcissement de la boue sous la porte ! Aucun remède n’était applicable à cette situation, et pousser violemment la porte eut infailliblement attiré l’attention des veilleurs… Dès lors, l’élément de surprise disparaissait. Que faire ? Un bref conciliabule, et les Partisans battirent en retraite en se jurant de prendre leur revanche.

A suivre