Second mandat de Trump : une offensive conservatrice et des mesures radicales

Dès le premier jour de son mandat, le futur président a promis des mesures chocs : lancement d’un programme d’expulsions de migrants, taxes douanières à tout-va, grâces pour ses partisans condamnés pour l’assaut du Capitole et mesures visant les personnes transgenres. Ces décisions radicales mettront immédiatement à l’épreuve sa marge de manœuvre institutionnelle. Tour d’horizon de promesses parfois vagues mais toujours spectaculaires avec l’historien Serge Jaumain et le chercheur en relations internationales Jean-Éric Branaa.

Climat : un retour à l’énergie fossile

Selon Jean-Éric Branaa, c’est le climat qui va principalement faire les frais du retour de Donald Trump au pouvoir, notamment avec le retrait des États-Unis des accords de Paris, la fin des régulations environnementales et la relance des forages pétroliers, aussi bien sûr les terres fédérales que dans les eaux maritimes.

Le slogan « Drill baby, drill«  (que l’on peut traduire par « fore bébé, fore », ndlr) a en effet été répété à l’envi par le climatosceptique, qui veut doper l’extraction d’énergies fossiles dès le 20 janvier. Il a par exemple assuré qu’il annulerait « immédiatement » une récente décision de Joe Biden consistant à interdire très largement l’exploitation « offshore » d’hydrocarbures. Pas sûr qu’il puisse le faire sans passer par le Congrès.

L’arrivée de Trump à la Maison-Blanche marque aussi la fin du programme Biden sur l’électricité et donc des aides pour l’électrique. Le Républicain a entre-autres exprimé sa forte opposition aux véhicules électriques, malgré son alliance avec Elon Musk, patron de Tesla. « Donald Trump croit très clairement aux fossiles et veut relancer l’énergie fossile qui est devenue, pendant son premier mandat, une source de revenus certaine pour les États-Unis« , analyse le spécialiste de la politique et de la société américaines. « Désormais, ils sont autonomes sur le plan du pétrole et ils exportent même du pétrole. Et il veut continuer, bien sûr, sur cette ligne-là.« 

Taxes douanières : une stratégie de confrontation

Sur le plan économique, le président élu s’attaque également aux accords commerciaux en vigueur. « Le 20 janvier, pour l’un de mes nombreux premiers décrets, je signerai tous les documents nécessaires pour imposer au Mexique et au Canada des droits de douane de 25% sur TOUS les produits entrant aux États-Unis« , avait annoncé fin novembre Donald Trump.

Cette menace de guerre commerciale avec les pays voisins, auxquels Washington est lié par un accord de libre-échange, est-elle réaliste ou s’agit-il d’un coup de bluff avant de négocier, tout comme les provocations à répétition sur une annexion du Canada ? Donald Trump justifie ce projet comme une mesure de rétorsion à l’entrée aux États-Unis de drogues et de migrants clandestins.

Serge Jaumain qualifie en tout cas ces déclarations d' »effrayantes« . « On parle d’un peu plus de trois milliards de dollars par jour qui s’échangent entre les deux pays. » Rien qu’en Ontario, une province située au centre-est du Canada, on craint de perdre des centaines de milliers d’emplois, remarque le chercheur. Et même si les Canadiens seront les plus impactés, les Américains risquent aussi d’en ressentir les effets. « Des chiffres laissent entendre que 500.000 emplois pourraient disparaître [dans les différents pays] si les taxes sont mises en vigueur.« 

Malgré cela, le codirecteur du Centre d’études des Amériques « AmericaS » estime probable que Trump impose des taxes, comme il l’a annoncé. « Peut-être pas à hauteur de 25%, mais il va certainement montrer qu’il veut protéger l’économie américaine par une série de mesures.« 

Autre pays dans le viseur, le grand rival chinois. Le président élu a menacé Pékin d’une hausse des taxes douanières de 10%, venant s’ajouter à celles, sur certains produits, déjà imposées lors de son premier mandat.

Donald Trump a également menacé l’Union européenne de taxes douanières si elle ne réduit pas son « énorme » déficit commercial avec Washington en lui achetant du pétrole et du gaz. Les importations de biens en provenance de l’UE s’élevaient à 553,3 milliards de dollars (533,17 milliards d’euros) en 2022, tandis que les exportations des Etats-Unis vers les Vingt-Sept représentaient 350,8 milliards de dollars (338,04 milliards d’euros), selon les chiffres américains, soit un déficit commercial de 202,5 milliards de dollars (195,13 milliards d’euros) entre les États-Unis et l’Europe.

Ces menaces tarifaires pourraient, selon des analystes, être une fanfaronnade ou un moyen de pression en vue des futures négociations commerciales lorsqu’il prendra ses fonctions.

Politique étrangère : entre pragmatisme et effets d’annonce

Sur la scène géopolitique, la situation actuelle est très différente de celle qu’a connue Trump lors de son premier mandat, observe Jean-Éric Branaa. « Donald Trump aimerait bien que ça se calme puisque tout ça n’est pas très bon pour le commerce. Or, lui, ce qui l’intéresse, c’est le transactionnel et de faire de la géoéconomie, donc de pouvoir faire des marchés avec l’ensemble des pays du monde. » C’est pourquoi il affiche des ambitions de pacification.

Avant l’accord entre Israël et le Hamas annoncé mercredi, le président élu avait dit que le mouvement islamiste palestinien vivrait un « enfer » s’il ne libérait pas les otages détenus à Gaza. Il a aussi promis un soutien sans faille à Israël dans un conflit qui dure depuis quinze mois. Même si Trump n’a pas précisé ce qu’il entendait exactement par là, Serge Jaumain pense qu’il interviendra dans les négociations.

Donald Trump veut aussi mettre fin à la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022 par l’invasion russe, selon un calendrier qui fluctue. Après avoir parlé de faire cesser les hostilités en 24 heures, il a évoqué plus récemment un horizon de six mois. Pour ce faire, il avait annoncé vouloir prendre contact avec Vladimir Poutine. S’il ne l’a pas déjà fait, ce sera certainement l’une de ses premières actions, prédit le professeur d’histoire, « pour montrer qu’il est très réactif« .

Le spécialiste de l’histoire de l’Amérique du Nord prévoit également de « grands effets d’annonces« , par exemple avec les questions du Groenland, du Panama ou du Canada. « Il est difficile d’imaginer que ces mesures seront mises en œuvre, ou du moins très rapidement.« 

Concernant le Groenland, Trump avait dit vouloir l’acquérir. Le républicain n’a pas écarté la possibilité d’utiliser la coercition économique ou militaire pour s’emparer du territoire autonome du Danemark. Cette idée ne date pas d’hier. Trump avait déjà proposé au Danemark de l’acheter en 2019, lors de son premier mandat de président. Cette offre avait été rejetée par la première ministre danoise Mette Frederiksen.

Trump avait aussi réitéré des menaces vis-à-vis du canal de Panama, accusant les autorités panaméennes qui le contrôlent entièrement depuis 1999 de ne pas traiter les navires américains « équitablement« . Si cela ne change pas, a tonné l’ancien magnat de l’immobilier, « nous demanderons que le canal de Panama soit tout de suite rendu aux Etats-Unis« .

L’Américain s’attaque même au Canada, en affirmant qu’il deviendra le 51ᵉ État des États-Unis. « Tous les constitutionnalistes savent que c’est totalement impossible« , rassure l’expert. « Ça demande des démarches et l’accord des populations.« 

Mais ces déclarations participent à ces effets d’annonce, analyse Jaumain, qui permettent au président d’occuper la une des médias et de faire pression. « Parce que du coup, on sent que ses interlocuteurs internationaux se demandent : Que va-t-il arriver ? On voit que les Européens, les Canadiens ou encore les Mexicains se préparent. Donc il va essayer de jouer de sa force de et de la peur qu’il suscite un peu partout dans le monde.« 

La stratégie diplomatique de Trump est donc plus proche de celle du monde des affaires, résume le Belge, dont le républicain est issu. « Il met sur la table des revendications extrêmement fortes, extrêmement dures, qui ébranlent tout le monde, qui vont à l’encontre de tous les codes diplomatiques et qui débouchent sur un ‘deal’.« 

A suivre.

Extrait de RTBF.be

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