
Le prix de l’or atteint des sommets en ces temps troublés, et c’est une bonne nouvelle pour notre gouvernement, car la banque nationale de Belgique cache un joli tas de lingots. Une réserve stratégique qui vaut cher, mais pourrait rapporter encore plus.
En période d’incertitude économique et (géo)politique, la valeur de l’or atteint toujours des sommets, et notre époque marquée par Trump et Poutine ne fait pas exception. Le métal jaune, valeur refuge, semble inarrêtable. Ce n’est sans doute qu’une question de temps avant qu’il ne franchisse la barre symbolique des 3.000 dollars par “once troy” (31,10 g, l’unité de mesure standard pour l’or, NDLR). Cela reviendrait à 96.463 dollars, soit environ 92.120 euros, par kilo.
Depuis le début des années 2000, la valeur de l’or a été multipliée par six. Ceux qui en possédaient à l’époque et l’ont conservé ont donc vu leur richesse croître d’autant. Et c’est le cas de l’État belge, dont la réserve nationale, assurance ultime contre les crises financières, politiques ou militaires, est bien fournie en lingots.
Des bunkers à l’étranger
Le sujet n’est pas tabou, à la Banque nationale de Belgique. “Actuellement, l’État belge possède 227 tonnes d’or”, décompte son porte-parole, Geert Sciot. Au prix du marché actuel – qui s’élevait lundi à plus de 90.300 euros par kilo –, cette réserve d’or belge de 227.000 kilos représente donc approximativement 20,5 milliards d’euros. Une vente, même partielle, pourrait déjà combler une partie du déficit budgétaire fédéral. “Mais toute décision de vente – ou d’achat – d’or appartient entièrement au gouvernement”, précise Sciot. “En tant que Banque nationale, notre seule mission est de conserver cette réserve d’or en toute sécurité.”
Et cet or se trouve, pour la majeure partie, hors de nos frontières. “À l’exception d’une réserve infime et surtout symbolique conservée dans le coffre de la Banque nationale à Bruxelles, la totalité de l’or belge se trouve depuis plusieurs décennies à l’étranger”, confirme l’institution. “La plus grande partie est stockée en toute sécurité dans les coffres de la Banque d’Angleterre à Londres. Le reste est réparti entre les bunkers de la Banque du Canada et ceux de la Banque des règlements internationaux (à Bâle, en Suisse, NDLR). Cette dispersion a été décidée pour des raisons de sécurité, car notre réserve d’or a déjà failli être perdue pendant la Seconde Guerre mondiale.”
Nos lingots dans une mine allemande
Au début de la Seconde Guerre mondiale, la Belgique possédait près de 600 tonnes d’or. Lorsqu’il est devenu évident que les troupes allemandes allaient occuper le pays, cet or a dû être évacué en toute hâte. Des bateaux en ont transporté 200 tonnes vers Londres, tandis que 200 autres tonnes ont été expédiées vers le Canada et les États-Unis. Le gouvernement français a été sollicité pour le transport des 198 tonnes restantes, mais celui-ci aurait utilisé cet or pour négocier la libération de ses prisonniers de guerre auprès des nazis, provoquant la fureur de l’État belge.
Ce n’est qu’à l’issue d’un procès à New York que la France a été contrainte de rembourser intégralement la Belgique. Cependant, la majeure partie de ces lingots a ensuite été retrouvée dans une mine de sel en Allemagne. “Cet épisode de l’histoire démontre qu’il est judicieux de conserver au moins une partie de la réserve d’or à l’étranger, au cas où un conflit éclaterait sur notre propre territoire.”
Régulièrement, un employé de la Banque nationale se rend dans ces coffres à l’étranger pour vérifier de ses propres yeux si nos lingots d’or s’y trouvent encore
Des contrôles réguliers
Et dans ce domaine, la Banque d’Angleterre fait figure de référence. De nombreux autres pays et institutions y stockent leur or, pour un total qui a été estimé à 8.000 tonnes. “Au-delà de la confiance que nous accordons naturellement à ces institutions, nous procédons néanmoins à des visites de contrôle régulières”, évoque le porte-parole. “Un employé de la Banque nationale se rend physiquement dans ces coffres étrangers afin de vérifier de ses propres yeux que nos lingots sont bien à leur place. Chaque lingot belge possède son propre marquage, ce qui permet de les identifier facilement.”
Il reste néanmoins impossible de les compter un par un. Tout “notre” or est fondu sous forme de barres de 12,5 kg. Rapporté à la réserve belge, cela représenterait environ 18.160 lingots.
Aussi impressionnante que puisse paraître cette réserve, elle s’avère plutôt insignifiante à l’échelle internationale. La Belgique se classe à la 23ᵉ place des plus grands détenteurs d’or, bien loin du top 10, dominé sans surprise par les États-Unis, qui possèdent actuellement 8.133 tonnes de métal précieux. L’Allemagne suit avec 3.352 tonnes, puis l’Italie avec 2.452 tonnes. La France (2.437 tonnes), la Russie (2.336 tonnes) et même les Pays-Bas (612 tonnes) détiennent également des réserves bien plus importantes que notre pays.
Au début des années 1990, la Belgique possédait encore 1.300 tonnes d’or, mais 1.000 ont été vendues pour éponger la dette publique belge et entrer dans la zone euro
Et pourtant, les choses auraient pu être bien différentes. Au début des années 1990, la Belgique disposait encore de 1.300 tonnes d’or. Mais à l’époque, le roi Baudouin et le gouvernement fédéral dirigé par Jean-Luc Dehaene étaient déterminés à intégrer la zone euro. Or, selon le Traité de Maastricht, l’accès à cette union monétaire n’était possible que si la dette publique d’un pays n’excédait pas 60% du produit intérieur brut (c’est-à-dire la valeur marchande de tous les biens et services produits en un an dans l’économie belge, NDLR). En 1993, la dette belge atteignait 137 % du PIB. Pour la réduire, le gouvernement a donc vendu 1.000 tonnes d’or… à un prix six fois inférieur à celui d’aujourd’hui. Si ces 1.000 tonnes avaient été conservées, elles vaudraient actuellement 90,6 milliards d’euros, au cours actuel.
Un nouveau complexe coffre-fort à Zellik
La dernière vente d’or par l’État belge remonte à 2005, sous le gouvernement Verhofstadt II, lorsque 30 tonnes ont été cédées pour combler quelques déficits budgétaires.
Ces dernières années, des pays comme les Pays-Bas et l’Allemagne ont rapatrié une partie importante de leur or sur leur propre territoire, afin d’en faciliter la gestion et le contrôle. De son côté, la Banque nationale de Belgique est en train de construire un nouveau complexe de coffres-forts ultra-sécurisé à Zellik. “Mais pour l’instant, aucun projet de transfert du stock d’or belge n’est à l’ordre du jour”, nous précise-t-on.
Stefan Vanderstraeten, Matthias Bertrand
Extrait de 7 sur 7