Histoire: Ernest Burnelle


Le Cercle Louis Tayenne classe depuis deux décennies nos importantes archives. Parmi celles-ci figurent une grande quantité de photos de nos militants et de leurs activités. Une des dernières que nous avons scannée nous montre notre camarade Georges Glineur en compagnie d‘Ernest Burnelle . Cela nous a incité à vous livrer la biographe de ce militant qui joua un rôle de tout premier plan dans l’histoire du PCB

Berlin 1956, Ernest Burnelle (au centre) en visite en RDA en compagnie de notre camarade Georges Glineur (à droite).

La mère d’Ernest Brunelle, Hélène Vincent, native de Paris, ménagère, est une femme de gauche. Son père Arthur Burnelle, né à Fexhe-Slins (aujourd’hui commune de Juprelle, pr. et arr. Liège) dans la région liégeoise, est un ouvrier armurier travaillant à son domicile. Il est de tendance anarchiste mais il évoluera vers le socialisme puis le communisme. Il affronte les « forces de l’ordre » lors d’une manifestation pour le suffrage universel en 1911.

Ernest Burnelle grandit sur les hauteurs de Liège, dans le quartier Saint-Gilles, aux confins de Saint-Nicolas, parmi les enfants de mineurs et d’armuriers. Il reçoit une éducation athée. Diplômé instituteur par l’École normale Jonfosse de la ville de Liège à dix-neuf ans, il poursuit avec succès un régendat scientifique à l’École normale de l’État de Nivelles (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles). En autodidacte, il approfondit ses connaissances en mathématiques, étudie l’allemand, l’anglais, l’italien et le néerlandais et s’intéresse à la langue russe.

En 1930, à l’issue de son service militaire comme sous-officier d’artillerie, il devient instituteur puis professeur de mathématiques à l’Institut Jonfosse (école moyenne).
Adepte d’une pédagogie et d’une politique progressistes, Ernest Burnelle participe aux formations de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE, liée à l’Internationale syndicale rouge), organisées en France en 1935, 1936 et 1937. Sur son terrain liégeois, influencé par Théo Dejace, il se lance dans le syndicalisme et devient, en 1937, président de la régionale liégeoise de la Centrale du personnel enseignant socialiste, organisation syndicale affiliée au Parti ouvrier belge (POB). Il devient secrétaire du Comité d’action du personnel enseignant liégeois et du Front commun syndical rassemblant divers syndicats sectoriels.

L’époque est au rapprochement des socialistes et des communistes. Les jeunes enseignants de gauche, comme Burnelle et Dejace, appuient la Jeune garde socialiste unifiée (JGSU), le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) et le Rassemblement universel pour la Paix (RUP). Depuis le début des années 1930, Ernest Burnelle est un admirateur de l’URSS et de Julien Lahaut. En 1938, il adhère secrètement au Parti communiste belge (PCB), vu l’interdit pesant alors sur les fonctionnaires. En 1939, lors de la guerre de Finlande, il entraîne son organisation syndicale régionale à désavouer l’orientation anti-soviétique du POB.

Ernest Burnelle est mobilisé dès septembre 1939 et cantonné à Beez (aujourd’hui commune de, pr. et arr. Namur) près de Namur. Le 10 mai, son unité bat en retraite vers Narbonne (département de l’Aude, France) mais est rattrapée sur la Marne et capturée par l’armée allemande. Considérée comme flamande, elle est libérée à sa rentrée en Belgique sur le territoire de Beauraing (pr. Namur, arr. Dinant).

Ernest Burnelle revient chez lui et reprend son travail d’enseignant. Il milite dans la structure clandestine du PCB. En mars 1941, il reçoit la mission de publier Liberté, organe de la fédération liégeoise. Il fait partie, sous le pseudonyme de « Louis », de la direction du Front wallon pour l’indépendance du pays, prototype liégeois du Front de l’Indépendance (FI), et devient, pour un temps, rédacteur en chef de La Meuse, organe du FI. Il doit passer à la clandestinité. Faute de lui mettre la main dessus, les Allemands arrêtent son père. Commence alors pour Burnelle une vie de déplacements continuels qui se poursuit d’ailleurs après la Libération. Cadre communiste, résistant armé, on le retrouve, en juillet 1942, comme responsable de l’agitation et de la propagande au Borinage. En octobre 1943, il est transféré comme secrétaire politique à Charleroi. En octobre 1944, il devient responsable national de la propagande puis en février 1945, rédacteur en chef du Drapeau rouge.

Ernest Burnelle ne répond pas à l’invitation de la ville de Liège à reprendre son poste à l’école, choisissant ainsi de poursuivre sa carrière politique. Il est élu député de Liège et conseiller communal en 1946. Au Parlement, il utilise son expérience d’enseignant pour intervenir sur le budget de l’instruction. La même année, il entre au Comité central du PCB et devient secrétaire politique de sa fédération. Dès cette époque, son esprit critique déplaît à la direction nationale. Il est appelé à Bruxelles, en mai 1947, comme secrétaire national à la propagande puis rétrogradé à Liège comme secrétaire d’organisation en mai 1948. Burnelle redevient rédacteur en chef du Drapeau rouge en août 1949 mais est renvoyé en 1950 comme secrétaire politique à Liège. Une note de la commission de contrôle s’interroge d’ailleurs sur les causes de cette instabilité et souligne qu’en 1949, il s’est désolidarisé de la direction du PCB, estimant que la collaboration entre le Bureau politique et le Comité central est infructueuse. En 1950, lors d’une conversation privée qui sera rapportée, il déclare qu’au parti « on ne peut pas dire ce qu’on pense ». En 1949, il n’est pas réélu député. Il démissionne de son mandat communal et ne jouera plus de rôle politique au niveau local.

Après l’assassinat de Julien Lahaut en 1950, Ernest Burnelle apparaît, avec René Beelen, comme le principal dirigeant de la fédération liégeoise. Celle-ci entreprend une critique de la ligne du PCB jugée sectaire et coupée des masses. En 1952, après la défaite électorale communale de l’automne, Burnelle devient le porte-parole d’une opposition intérieure. Il est invité au Bureau politique à partir du 1er décembre. La session du Comité central de mai 1954 qui se tient après un nouvel échec aux élections législatives, est décisive. La ligne défendue par le Bureau politique est remise en cause. Burnelle est élu officiellement au Bureau politique avec quelques amis et entre au Secrétariat.

C’est l’équipe de Ernest Burnelle qui prépare le XIe Congrès, un tournant dans l’histoire du PCB. Il se tient du 9 au 12 décembre 1954 à Vilvorde. Edgar Lalmand, secrétaire général, y présente le rapport du Comité central sortant. C’est un rapport autocritique rédigé dans la ligne impulsée par Ernest Burnelle. Ce dernier, élu secrétaire général, prononce le discours de clôture. Il apparaît bien comme le véritable numéro un du PCB. Ce n’est qu’en 1961 qu’il recevra le titre de président. Ce titre de caractère honorifique, à l’époque où Julien Lahaut l’avait porté, prend alors un caractère bien plus opérationnel.

La « période Burnelle » est caractérisée par une critique du sectarisme et des fautes du passé comme la substitution à l’objectif d’abdication de Léopold III du mot d’ordre « Vive la république ! » qu’il a pourtant assumé comme rédacteur en chef du Drapeau rouge en 1950, ou encore, comme l’obstination à refuser le compromis d’un service militaire de dix-huit mois après le succès du mouvement contre les vingt-quatre mois. La nouvelle ligne vise le contact avec les masses. Elle renoue avec les orientations de la période 1935-1939, l’aspiration à l’unité du mouvement ouvrier, l’investissement des militants communistes dans la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), le positionnement du PCB comme relais politique du mouvement syndical. C’est au cours de cette période que les concepts de dictature du prolétariat, de parti d’avant-garde sont retirés des statuts.

Jules Pirlot
Extrait de Maitron
A suivre

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