
Peu après la catastrophe, la direction du puits numéro 6 de Mariemont Bascoup par un communiqué de presse a désigné Herman Chapelle, conducteur des travaux, comme seul responsable en insistant sur le fait que c’était lui qui avait voulu que l’on perce le mur de la galerie. L’ennui, c’est qu’il n’était plus là pour contredire cette affirmation.
Certes, les calculs des ingénieurs avaient démontré qu’il n’y avait plus que 1 % de gaz méthane à la sortie du tuyau d’évacuation. Or pour que la détonation ait pu se produire, deux conditions étaient indispensables : d’abord qu’il y ait l’existence de gaz d’un pourcentage de 6 à 14 % par rapport à l’air et ensuite qu’il y ait une cause d’explosion, une étincelle, une flamme.
De plus, seuls les spécialistes de l’Institut de Frameries possédaient les instruments adéquats pour mesurer avec exactitude la densité de l’air. Ces spécialistes ne furent jamais appelés au puits numéro 6 de Mariemont Bascoup. Les calculs furent réalisés par les ingénieurs du puits numéro 6 et comme on le sait, ils étaient erronés. Herman Chapelle avait 54 ans dont 40 passés dans la mine et il n’était nullement à blâmer. Il connaissait son métier à fond. Il s’était fié aux directives et aux ordres des ingénieurs et en toute confiance. Ce n’était certes pas un kamikaze. Dans le premier article consacré à cette rubrique, nous disions que des mineurs remontaient à la surface avec des maux de tête, signe de la présence de grisou. Or, la direction a négligé ce signe qui pourtant était significatif.

Lourde erreur de la direction. La décision du percement du mur fut prise en dépit du bon sens et ce, sans garantie. La veine de charbon se dirigeait vers Forchies, or le puits numéro 10 de Forchies était classé dans la catégorie 2 c’est-à-dire grisouteux. On connaît la suite : 39 morts ! De plus, si on avait percé le mur à la pause de nuit, il n’y aurait eu que 10 à 12 hommes dans la taille et non 40 comme au premier poste de la matinée mais cela n’aurait rien changé aux circonstances à part le nombre de tués.
Moralité de cette triste histoire : dans les mois qui suivirent la catastrophe, un ingénieur déménagea et un autre se suicida. Le lecteur est libre de penser et de se faire une opinion sur les causes de cette tragédie.
À la clinique Louise de Morlanwelz, un gosse de 15 ans avait murmuré à l’oreille de son frère : « J’dirai pu jamais al’ fosse ! » et à sa mère, il disait : « D’j’é mau. ».
Toute sa vie, Yvon Sturbois ne s’est jamais vanté d’être le seul survivant de cette tragédie. Il n’a jamais fait état de son statut de miraculé et il sera discret sur cette triste période. En fait, il en avait vu et surtout entendu assez. Cependant en l’an 2000, il brisa ce silence par une interview donnée à la Nouvelle Gazette à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire de la catastrophe.
Auparavant, au cimetière de Trazegnies, il avait fait poser sur le monument dédié aux victimes de la catastrophe une plaque en souvenir de ses compagnons de travail disparus. Si un jour, vous allez au cimetière de Trazegnies, allez voir ce monument qui se trouve au bout de l’allée principale, puis arrivé là, regardez vers la droite : ils sont tous là, tous nos mineurs.
Jean, le mineur.