
Même s’il passionne journalistes et une bonne partie du personnel politique, le sujet figure traditionnellement parmi les parents pauvres des campagnes électorales. « L’international, ça n’intéresse pas les électeurs », a-t-on coutume d’entendre chez les stratèges au moment d’échafauder les plans de bataille des candidats pour lesquels ils travaillent. Et de fait, les études d’opinion ne disent pas autre chose : en comparaison du pouvoir d’achat, de l’avenir du système social, de l’écologie ou de l’immigration, les affaires diplomatiques occupent une place relativement modeste dans la hiérarchie des priorités de nos concitoyens.
Aux Etats-Unis, cette règle fait figure d’axiome : les passages des débats présidentiels consacrés à la politique étrangère sont systématiquement les moins visionnés, et aux sceptiques, l’on rétorque : « It’s the economy, stupid! ». En France * également, le chapitre « géopolitique » des joutes télévisées est généralement relégué en dernière partie de soirée, lorsque l’essentiel de l’Audimat est déjà parti se calfeutrer dans les bras de Morphée. Journalistiquement, la propension du péquin lambda à se préoccuper davantage de son proche quotidien que des drames à l’autre bout du globe a même donné naissance à une loi cynique, celle du « mort-kilomètre ».
Tout ceci pourrait bien être en train de changer, à mesure que le tragique fait son retour dans l’Histoire. Il y a très longtemps qu’une campagne électorale française n’avait pas accordé autant d’espace aux thèmes internationaux. Bien sûr, les européennes se prêtent par nature à l’exercice, mais le phénomène dépasse de très loin les affaires bruxello-strasbourgeoises.
Alors que les Ukrainiens combattent encore l’invasion russe, le positionnement à adopter pour résoudre cette guerre aux portes de l’Europe constitue un clivage majeur. La résurgence funeste du conflit israélo-palestinien est allée jusqu’à entraîner un parti, la France insoumise, à ériger cette lutte au sommet de son agenda. Enfin, à plus de 17 000 kilomètres de Paris, de graves troubles agitent la Nouvelle-Calédonie, sur fond d’ingérences de l’Azerbaïdjan, pendant que la Chine contemple l’île avec convoitise, obligeant l’ensemble du spectre politique à se positionner. Bref, le fracas du monde est devenu si assourdissant qu’il s’impose désormais à tous les électeurs.
Par Hadrien Mathoux
Extrait de Marianne
Les constats émis par l’auteur du texte sont également valables pour la Belgique. De plus, cela aura peut-être une influence négative le 9 juin prochain vu la concomitance des élections européennes avec les élections législatives et régionales, ces dernières étant importantes pour l’avenir de notre pays. .(Robert Tangre)