Divisions de Die Linke, signes d’une gauche allemande à la dérive.

Carola Rackete avec le co-président du parti,

En Allemagne, Die Linke, le parti de gauche radicale, est au bord de la rupture. Son ancienne figure de proue Sahra Wagenknecht, qui jouit d’une forte popularité, entend le quitter pour fonder son propre mouvement. Elle accuse Die Linke d’avoir versé dans une surenchère « sociétale ». Avec une stratégie consistant à s’appuyer sur la « société civile progressiste » (ONG écologistes, mouvements favorables à l’accueil des migrants, etc.) dont la « jeunesse » est le cœur de cible, le parti semble bien avoir abandonné ses racines populaires. Mais la stratégie de Wagenknecht, jamais avare d’une polémique contre la « culture woke », semble également fragile.

Après des années marquées par des revers électoraux et des luttes internes, il semblerait que les tourments du parti de gauche radicale allemand Die Linke s’achèvent enfin.

En juin dernier, les co-présidents du parti ont annoncé que le futur de Die Linke s’écrirait sans Sahra Wagenknecht, fermant ainsi la porte à la figure la plus populaire, mais aussi la plus controversée du parti. Ancienne porte-parole au Bundestag, elle est aujourd’hui peu présente au Parlement. Ses détracteurs l’accusent depuis longtemps de défier la discipline du parti pour promouvoir son propre projet politique. Celle-ci ne rate en effet jamais une occasion de critiquer ce qu’elle nomme la « gauche lifestyle » de la classe moyenne.

Il apparaît clair que le parti tel qu’il existait depuis les années 2000 n’a plus sa place dans le contexte actuel. La décision unanime des cadres de Die Linke fait écho aux déclarations des soutiens de Wagenknecht, qui évoquent ouvertement un départ depuis des mois. Le choix de l’activiste Carola Rackete* et du spécialiste en médecine sociale Gerhart Trabert pour représenter Die Linke aux élections européennes n’ont fait que confirmer une scission qui paraît désormais inévitable.

La désignation de Carola Rackete comme tête de liste aux européennes, célèbre pour ses actions de sauvetage en mer auprès des embarcations de migrants, est emblématique de la voie empruntée par Die Linke. Elle est d’une grande popularité auprès des militants les plus jeunes du parti et des électeurs de centre-gauche – deux franges au cœur de la nouvelle stratégie du parti

Un tel schisme comporte des risques, notamment celui de ne voir aucun élu à gauche du SPD (parti social-démocrate allemand) siéger au parlement d’ici 2025. Une perspective qui pourrait cependant être vécue comme un soulagement, tant l’atmosphère était devenue délétère à Die Linke, marquée par l’incapacité d’un bord comme de l’autre à amorcer le moindre dialogue. L’optique d’un départ de Wagenknecht donnera enfin l’occasion à chaque camp de mesurer son projet politique à l’aune de ses succès électoraux.

Il reste toutefois de nombreux doutes à éclaircir, à commencer par le programme que chacun souhaite défendre. Une fois le départ des partisans de Wagenknecht acté, Die Linke restera divisé entre une aile de centre-gauche conciliatrice et un mouvement ouvertement radical, ce qui pourrait à l’avenir approfondir les divisions. Il sera difficile de dégringoler plus bas que ces dernières années, mais remonter la pente s’annonce fastidieux.

*Carola Rackete : capitaine d’un bateau transportant des immigrés, qui avait défié le ministre italien Matteo Salvini pour les faire débarquer sur l’île de Lampedusa

Par Loren Balhorn, traduction Camil Mokaddem
Extrait de LVSL
A suivre

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