Achille Chavée

La semaine dernière l’association « Club Achille Chavée » fêtait le 60 ème anniversaire de sa création. Mais qui est donc Achille Chavée ?

Achille Chavée est né à Charleroi  le 6 juin 1906 et décédé à La Hestre le 4 décembre 1969. Avocat, poète surréaliste, fondateur des groupes Rupture (1934) et Surréaliste en Hainaut (1939), militant wallon, socialiste puis communiste, conseiller communal socialiste à La Louvière.

Achille Chavée est né dans un milieu relativement aisé de la moyenne bourgeoisie : son père, alors receveur de l’enregistrement, finira sa carrière comme conservateur des hypothèques. Chavée connaît une jeunesse mouvementée et turbulente qui suit la carrière de son père, et rejette assez vite le conservatisme catholique familial. Il commence ses études au Petit Séminaire Saint-Roch à Ferrières, à proximité de Marche-en-Famenne où son père a été nommé (1912). Il poursuit ses études secondaires à l’Athénée de Nivelles, puis au Collège Saint-Joseph à La Louvière, où sa famille s’est installée en 1922. Exclu du collège, il termine ses études secondaires à l’Athénée de Mons (1923-1925), où il rencontre et devient l’ami d’Armand Simon et surtout de Fernand Dumoustier (Fernand Dumont en littérature). C’est avec ce dernier qu’Achille Chavée fait ses études de droit à l’Université libre de Bruxelles de 1925 à 1930. Une fois son diplôme en poche, il s’inscrit au barreau de Mons et s’installe comme avocat à La Louvière.

Contrairement à Fernand Dumont, communiste très jeune, Achille Chavée s’investit d’abord dans le combat wallon. Il rencontre, durant ses études, Raymond Colleye à la Maison wallonne de Bruxelles et décide de s’engager en faveur du fédéralisme. Il fonde, avec Walter Thibaut*, journaliste au Peuple, l’Union fédéraliste wallonne du Centre en 1927, ainsi qu’une section des Jeunes gardes wallonnes, et fait partie du comité de rédaction de L’Opinion wallonne en 1928. Il fonde et dirige La bataille wallonne (1931-1932). Il a pour objectif de populariser le combat wallon dans la classe ouvrière.

La violence et la longueur des grèves de l’été 1932 font basculer Achille Chavée vers un combat d’une autre nature. Il est proche des positions trotskystes, adhère au Parti ouvrier belge (POB) et est élu conseiller communal de La Louvière en octobre 1932. Mais c’est au plan culturel et littéraire que la mutation s’effectue. Après avoir fait la connaissance d’André Lorent, qui lui prête des livres d’André Breton, il découvre le surréalisme. « Le surréalisme a été pour moi comme une véritable révélation, liée à l’aspect insurrectionnel des grèves de 1932. La synthèse s’est établie d’elle-même entre la poésie et mes convictions politiques », explique Chavée. Avec ses amis Albert Ludé, André Lorent et Marcel Parfondry, il fonde le 28 mars 1934 à Haine Saint-Paul le groupe Rupture, dont le but est de « tremper des consciences révolutionnaires » et de « contribuer à l’élaboration d’une morale prolétarienne ». La rupture se manifeste contre le conformisme bourgeois, contre la chrétienté comme idéologie mais aussi contre le nouveau conformisme social-démocrate dominant en Hainaut, politiquement et culturellement. La révolution n’est pas seulement politique et sociale, mais éminemment culturelle. Le groupe adhère, avec une distance critique, au Front littéraire de gauche (1934). Rupture organise l’exposition internationale surréaliste à la Louvière. Il entre ainsi en contact avec les surréalistes français. Achille Chavée publie aussi un premier recueil de poèmes, « Pour causes déterminées » en 1935 et participe la même année, à la rédaction du cahier du groupe, Mauvais temps. Il n’y en aura pas de deuxième. Les « surréalistes » soutiennent l’Action socialiste qui critique l’immobilisme du POB, ne se rallient pas pour autant au Plan d’Henri De Man.


En novembre 1936, Achille Chavée s’engage dans les Brigades internationales en Espagne, officier il est affecté à la Brigade Dombrowski, comme commandant de compagnie, puis à la commission juridique d’Albacète où il est auditeur militaire. Sa participation au système répressif des brigades lui attire des critiques, notamment dans Le Rouge et le Noir. Chavée répond qu’il s’est battu en Espagne, qu’il a été blessé : « J’ai servi honnêtement la république espagnole, à l’arrière, en faisant mon devoir contre ses ennemis cachés et sur les fronts de Brunète et d’Aragon » (Le Rouge et le Noir, 27 juillet 1938), ce qui, pour l’organe « neutre et pacifiste » à l’époque, équivaudrait à un aveu. Ce qui est établi, c’est que malade, il rentre en Belgique en octobre 1937 et adhère au Parti communiste belge (PCB). Son séjour en Espagne l’a rapproché du parti qu’il critiquait en Belgique. Il lui reste fidèle jusqu’à sa mort.

Ce choix d’Achille Chavée modifie l’équilibre interne du groupe surréaliste qui se divise en 1939. Avec Fernand Dumont, Armand Simon, Chavée fonde alors le groupe « Surréaliste » en Hainaut réunissant « les staliniens ». « Mais en fait, écrit Paul Aron en 1995, « l’opposition des « staliniens et des « trotskystes » recoupe exactement la distinction entre « créatifs » et « théoriciens » ». La rupture est culturelle, mais aussi profondément idéologique et politique.

Dès l’été 1940, fort de sa notoriété à La Louvière, Achille Chavée participe à l’organisation des activités clandestines du PCB dans le Centre, notamment en mobilisant l’avocat Jean Roch et l’instituteur Léon Delmarche. En avril 1941, il est dénoncé comme auteur de tracts communistes qui circulent dans la région. Dès les arrestations massives, notamment dans la région, de militants communistes le 22 juin 1941, il se réfugie dans la clandestinité et trouve accueil dans une famille de mineurs dont il épousera la fille.

Après 1945, Achille Chavée figure régulièrement comme candidat sur les diverses listes du PCB. Il est actif au sein des Amitiés belgo-soviétiques. Il participe au Congrès national wallon de Liège en octobre 1945 et au Congrès culturel wallon de 1955. Il adhère au Mouvement populaire wallon (MPW) en 1961 et siège au Comité régional du mouvement.

Mais surtout Chavée poursuit sous diverses formes ses actions culturelles et littéraires. Il reste l’un des animateurs les plus actifs du surréalisme en Hainaut en participant à la fondation de « Haute Nuit » en 1947, de « Shéma » en 1956, à l’aventure du « Daily-Bull ». Il continue à publier des poèmes, des aphorismes, conciliant fidélité aux idéaux communistes et surréalistes.

Cet avocat populaire, non conformiste, se définit ironiquement comme « le plus grand poète de la rue Francisco Ferrer » à La Louvière, « un vieux peau-rouge, qui ne marchera jamais en file indienne ».

Paul Aron

Extrait de «  Le Maitron »

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