Une blague morbide circule parmi quelques-unes de mes connaissances, cadres et quadragénaires. Un enfant demande à son père : « Papa, penses-tu que je devrai travailler jusqu’à 67 ans pour accéder à la pension ?

» Et le géniteur de répondre, avec un sourire rassurant : « Ne t’en fais pas, mon trésor, tu seras mort bien avant, suite au réchauffement climatique.
» Entre deux gorgées de bulles, ces universitaires me livrent le fond de leur pensée : « C’est foutu pour l’humanité. Nous avons bousillé la planète et les pieuses déclarations des Cop’s n’y changeront pas grand-chose. Notre génération se comporte ‘comme si’, car il faut bien vivre, mais elle est sans illusions… L’échéance fatale est annoncée. Rien ne l’arrêtera. »
Comme perspective d’avenir, il y a plus joyeux… Il serait cependant trop facile de balayer ce type de discours, en le taxant d’inutilement catastrophiste. Tous, nous constatons les effets du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité. Les inondations meurtrières de juillet dernier en région liégeoise avaient pour cause des pluies supposées ne survenir qu’une fois par millénaire. Aujourd’hui, chacun convient qu’elles ne sont que le prélude des bouleversements à venir. Les drames d’aujourd’hui étant engendrés par la pollution d’il y a vingt ans, il est légitime de se demander quels seront, dans deux décennies, les effets des déséquilibres écologiques actuels. Ne nous voilons donc pas la face – l’humanité se prépare des lendemains difficiles : inondations, sécheresses, incendies, perte de récoltes, manque d’eau
Tout est-il perdu pour autant ? Si je le pensais, je ne me donnerais pas la peine d’écrire des chroniques. La lucidité invite à reconnaître que notre civilisation fonce dans le mur, mais elle donne aussi à comprendre que ce mur est mou. Le réchauffement climatique et la perte de biodiversité chambouleront nos modes de vie et causeront la souffrance et la mort de bien des personnes, mais cela ne signifie pas pour autant la fin de l’humanité. Comme le cancre qui étudie la veille de l’examen, l’humanité réagit souvent quand elle se voit au bord du précipice. Ce qui pourrait nous sauver ? Un bond scientifique (1), une économie non prédatrice (2) et un humanisme de la relation (3). 1.
Contre toute attente, la maîtrise de la fusion nucléaire progresse à pas de géant (voir notre édition de ce 10 février). Cette technique pourrait créer d’ici deux décennies de « petits soleils » sur terre, source d’une énergie propre, sécurisée et abondante. Alliée aux énergies renouvelables, elle marquerait la fin de notre dépendance aux énergies fossiles. Avec l’appoint des nanotechnologies pour rendre recyclables nos montagnes de déchets, la science pourrait offrir dans un avenir proche les conditions d’une production-consommation en harmonie avec les équilibres écologiques. 2. Nous le savons désormais : la santé de la planète a un coût. Une économie non prédatrice est donc fondée sur un marché qui intègre toute forme de pollution dans les prix des biens de consommation. De la sorte, ce qui est bio, local et recyclable reviendra moins cher que les monoproductions de masse, comme le rappelait, dès 1973, Small is beautiful, le livre d’Ernst Schumacher, père de l’économie écologique. 3.
Les Lumières ont libéré l’homme du conditionnement d’une société sacrale. Ce faisant, elles ont cependant dopé l’individualisme et l’égoïsme. Avec pour corollaire la solitude, principal cancer d’une société de consommation. L’homme est un être de relations, et seule la qualité de celles-ci est source de bonheur. Le monde aura changé le jour où Forbes, plutôt qu’un almanach des grosses fortunes, publiera un catalogue des personnalités ayant le plus contribué à rendre ce monde plus humain. Vaste programme… J’y reviendrai dans ma prochaine chronique, traitant de l’avenir de la spiritualité et des religions.
(1) Site de l’auteur : https://ericdebeukelaer.be/