L’Iran face aux Etats-Unis

Pour comprendre les tensions actuelles qui affectent les relations entre les États-Unis et l’Iran, il faut croiser de nombreux paramètres entre le temps long et le temps court.

Retour sur l’histoire

L’Iran multiséculaire

Dans une perspective multiséculaire, l’Iran présente trois caractéristiques majeures:
– les Iraniens ont souvent eu le sentiment d’être les otages d’une géographie qui ne prête pas à l’échange et d’être entourés de populations hostiles. Une culture obsidionale s’est donc progressivement imposée.

L’Iran a développé une culture d’échanges et de tractations.
Cette grande nation porte les stigmates de l’humiliation imposée par la domination des grandes puissances. Il y a une volonté de réagir aux outrages et à l’abaissement

A cela s’ajoute un nationalisme qui s’est construit sur la longue durée, qui s’appuie sur un fond culturel pré-islamique, la construction d’un État ancien et d’une indépendance non moins ancienne. Ce nationalisme qui fait consensus a longtemps été dénoncé par l’Islam.
De toute son histoire, l’Iran n’a jamais été un pays impérialiste. Les frontières n’ont pas bougé et les Iraniens n’ont jamais colonisé leurs zones tampons. Cette absence de politique territoriale ne les empêche pas de conduire une politique satellitaire avec des minorités ethniques ou religieuses pour exercer une influence.

Le temps court

La guerre Froide marque un tournant dans l’histoire de l’Iran.
De 1951 à 1953, Mohammad Mossadegh devient Premier ministre. Il met en place des réformes progressistes, une démocratie laïque et nationalise le pétrole sous le contrôle anglais.
Les Britanniques ont donné l’idée aux Américains du coup d’État qui renverse M. Mossadegh afin de lutter contre l’URSS, de reprendre le contrôle du pétrole et d’éviter l’émergence d’un nationalisme pouvant mettre l’Iran sur la voie du nassérisme. De facto, les Occidentaux ont annihilé un nationalisme laïc et le non-alignement. Le Shah issu de la dynastie Pahlavi accède au trône et met en œuvre une dictature féroce laminant les forces révolutionnaires.
Le coup d’État américain est la matrice qui conduira les islamistes au pouvoir.

L’Iran devient l’ennemi

La révolution iranienne et ses conséquences

La Révolution islamique de 1979 et l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeiny remettent en cause l’ordre régional et font voler en éclat la stratégie occidentale.
Cette révolution dont le caractère chiite est secondaire, marque une rupture car le pilier régional de l’hégémonie américaine tombe. L’Iran devient une République et entend exporter la révolution notamment dans les pays arabes jugés corrompus. Cela suscite la crainte des monarchies du Golfe, l’hostilité des États-Unis et d’Israël.
Ce changement de paradigme exclut l’Iran de la communauté internationale mais aussi du champ religieux musulman.
Il s’agit désormais de faire chuter l’Iran.
 
Les États-Unis et l’Arabie saoudite soutiennent l’Irak durant la guerre Iran/Irak.
Un système de sanctions se met en place avec la règle de l’extraterritorialité.

Pour les Américains, ce basculement se traduit par un renforcement de l’alliance avec l’Arabie saoudite. Pour cet État rentier tout est désormais permis: crédits, armements… mais aussi développement de réseaux extérieurs (diffusion du salafisme) et d’une diplomatie interventionniste.

La révolution suscite une inquiétude dans les pays du Golfe car on craint une extension de la révolution. Dans ce contexte se constitue le Conseil de coopération du Golfe (1981). L’idée est de se rassembler pour faire face à l’Iran.

Le régime iranien et sa stratégie de défense

Depuis la révolution, on assiste à une complexification de la société iranienne. Ce modèle a une influence régionale et ce nationalisme est en lien avec un expansionnisme régional. Quand la République islamique accède au pouvoir, elle entre en contradiction avec ce nationalisme traditionnel et promeut un nationalisme fondé sur l’islam chiite. Dans ce contexte d’hostilité, elle parvient à produire une synthèse des deux.

Shah d’Iran

Pour comprendre la stratégie de défense de l’Iran, il est impossible de faire abstraction de la guerre contre l’Irak qui a fait un million de morts. Ceux qui gouvernent l’Iran aujourd’hui sont les vétérans de cette guerre.

Afficher l’image source Le Shah avait lancé un programme nucléaire et la République islamique s’est engouffrée dans ce sillage notamment avec la guerre contre l’Irak. Ce programme ne vise pas Israël mais plutôt des voisins dangereux et s’élabore dans la clandestinité. Il provoque une certaine émotion en Occident.

Le programme balistique constitue actuellement la capacité de riposte. Celle-ci peut faire à peu près 500 morts civils dans une première frappe. Il s’agit d’une réelle dissuasion contre tout agresseur censé. Les missiles ont une portée de 2000 km et une précision de 50 m. L’Iran dispose de lanceurs suffisants. Cette capacité balistique n’est pas non plus destinée à Israël mais si Téhéran est frappée elle peut faire des dégâts de dissuasion. L’Iran est dissuasif sans avoir la bombe.

L’Iran dit aux acteurs internationaux qu’elle a besoin d’être dissuasive avec son programme balistique ou nucléaire. Le pouvoir iranien avance sur ces deux voies et donne aux occidentaux la possibilité de choisir.

* Les États-Unis et la décennie 2000 au Moyen-Orient

Après l’envahissement de l’Irak (1990-1991 ; 2003) les Etats-Unis considèrent qu’ils sont en situation de multiplier les interventions notamment en Syrie, Liban, Iran et Libye.
Les interventions suivent une logique d’hégémonie, d’endiguement d’une URSS moribonde, la construction d’un nouvel ordre américain autour de régions clefs. Ils veulent construire un empire non-territorialisé, avec des équilibres à distance.

Au fil du temps, les Etats-Unis entrent dans une logique d’expansion classique avec un accroissement des engagements pour pérenniser leur domination : lutte contre l’URSS, les non-alignés, protéger l’approvisionnement en hydrocarbures, défense d’Israël.
Après l’effondrement de l’URSS, l’interventionnisme continue. Chaque intervention engendre de nouvelles menaces, des contestations et de nouvelles interventions.

A suivre

Pascal TORRE
responsable adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

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