
En 2019, le pays a adopté une nouvelle constitution, fruit d’un long travail démocratique au sein de toute la société cubaine. De nombreux amendements ont été apportés grâce aux consultations populaires. Par exemple, dans le projet initial, les gouverneurs de province devaient être nommés directement par le président, mais les consultations ont montré que la population préférait une désignation par les délégués des assemblées municipales. C’est cette solution qui a été retenue dans le texte final. Nous avons eu droit à un long exposé sur le contenu de la constitution, et les nombreuses garanties de contrôle du pouvoir qu’elle contient, sur les droits garantis, sur les procédures de désignation, … Loin des clichés trop souvent répétés dans les médias occidentaux, la démocratie cubaine est bien une réalité, mais qui a peu à voir avec le formalisme vide qui est trop souvent celui des institutions occidentales (mais nous aurons l’occasion d’y revenir)
Une des réformes majeures découlant de cette nouvelle constitution est celle qu’il fallait apporter au « code de la famille », devenant le « code des familles »[1]. Loin d’être purement cosmétique, le changement de nom reflète la prise ne compte de la diversité des familles cubaines aujourd’hui. Dans la mesure où les changements apportés ont une importante dimension sociale et culturelle, aux implications fortes au niveau intime et public, et alors que rien ne les y obligeait dans la constitution, les autorités ont décidé de faire discuter le projet de réforme par la société.
Le précédent code datait des années 1970, et s’il constituait à l’époque un progrès par rapport à d’autres codes d’Amérique latine et des Caraïbes, il avait été rédigé dans une société très différente, plus jeune et encore marquée par certains conservatismes sociétaux.
Les changements dans la société cubaine font qu’il est nécessaire dans cette nouvelle mouture de « visibiliser » les personnes âgées, les personnes handicapées, de mieux prendre en compte les violences intrafamiliales (y compris les violences économiques ou psychologiques), de tenir compte de la diversité des familles ( recomposées, monoparentales, homoparentales, etc.), et d’autres questions.
Le projet est d’une grande modernité mais doit faire face à des réticences importantes, liées à des phénomènes culturels persistants (machisme, influence de l’Eglise catholique dans certains secteurs, campagnes de fausses informations, …)
Parmi les modifications, on retrouve une redéfinition du mariage ( une union de deux personnes, sans plus de précision) une reconnaissance des unions de fait, de nouveaux régimes matrimoniaux, une ouverture plus grande de l’exercice de leurs droits par les personnes handicapées , par la suppression de la notion d’incapacité , une plus large place permises aux décisions des enfants, une volonté de substituer une démocratie familiale à la verticalité patriarcale, une tolérance zéro contre les violences familiales, etc.
L’adoption devrait être ouverte aux couples homoparentaux, aux unions de faits, …Entre nombreuses autres choses !
Nous nous sommes rendus dans l’une des quinze municipalités de la Havane, Guanabacoa, qui rassemble plus de 125.000 habitants, pour y observer le processus de consultation populaire. C’est à la fois une zone industrielle et d’agriculture urbaine. Jusqu’à ce moment 58 réunions avaient été tenues. L’assemblée a lieu dans la rue, en présence de cadres locaux du parti, d’avocats, qui doivent assister la population sur les notions juridiques, etc. La réunion débute par une explication de la procédure , les points traités. Nous avons pu voir des prises de paroles, qui soutenaient le projet, mais s’opposaient parfois sur des points spécifiques, ou demandaient des éclaircissements (comme sur la notion de capacité juridique ) . Notons que le droit de vote lors de telles consultations est ouvert dès 16 ans.
Si on peut être admiratif devant les dispositifs mis en œuvre et les larges débats dans la société cubaine, et alors que le référendum devrait avoir lieu en septembre[2] , on ne peut omettre que le projet a été victime de campagnes de désinformations depuis les secteurs les plus conservateurs, appuyés de l’étranger, qui n’ont eu de cesse d’alimenter des craintes au moyens de « fake news ».
A suivre.
François D’Agostino,
Historien, animateur de l’ACJJ
[1] https://fr.granma.cu/cuba/2022-02-02/un-code-des-familles-qui-renforce-notre-constitution
[2] https://fr.granma.cu/cuba/2022-06-23/le-code-des-familles-entre-dans-une-phase-decisive