Appendice

Des milliers de résistants sont tombés. On les enterrait ou plutôt on les enfouissait un peu partout…. Au pied d’une haie, dans un pré, en bordure d’un champ d’aviation. On en dénombre plus de deux cents.
Les boches les avaient jetés dans la terre alors qu’ils savaient depuis longtemps que tout était perdu. Monstruosité ! Pourquoi ces crimes ? En vagues nombreuses, puissantes, les avions aux étoiles blanches survolaient le terrain où les carcasses ailées des vaincus gisaient lamentablement. Un vent de victoire parcourait le monde et des hommes tombaient encore victimes d’une vengeance inutile.
On découvrit un charnier tout de suite après le départ de la horde. De petits pieux blancs numérotés surmontaient les longues rangées de tertres nus.
On ouvrit pieusement les tombes et les pauvres corps meurtris furent confiés aux familles. Les inconnus et les étrangers retournent lentement à l’oubli dans un quelconque cimetière.
Aujourd’hui, un promeneur erre entre les fosses remblayées. Deux enfants sont avec lui ; deux petites filles au pas encore mal assuré. L’homme s’accroupit et tenant les deux gosses par la taille, leur explique simplement : « C’est ici que les boches enterraient les patriotes assassinés. »
Ouvrant de grands yeux, les enfants se taisent. Comprennent-elles ? Le père sourit mélancoliquement et laisse les petites à leurs jeux. Lui, demeure plongé dans sa rêverie.
Un an plus tôt, une cérémonie avait eu lieu au même endroit. On y avait fait des serments, on avait juré de ne pas oublier, on avait promis vengeance, on avait parlé de justice. Que reste-t-il de tout cela ?
« Papa ! Regarde, nous avons cueilli des fleurs pour les fusillés. » Et les deux enfants laissent tomber sur la terre, au hasard de leurs gestes maladroits, de pauvres fleurs jaunes, de pauvres fleurs des champs…
« Pourquoi, ils ne sont plus là, dit l’aînée ; mais la terre est à eux, n’est-ce pas ? »
Douloureusement ému, l’homme acquiesce et, devant ce coin de prairie trempé de sang, il répète document dans son rêve : « La terre est à eux ; et ils sont dans la terre, comme une semence … »
FIN