Hallali suite 3

En réponse, on lui transmit l’ordre dont nous venons de parler (Ralentir la fuite des Allemands, leur tendre des pièges). Une clameur d’enthousiasme s’éleva spontanément, répercutée cent fois par les arbres géants, témoins de tant de patience, d’entêtement, d’audace. Les hommes trépignaient, brandissaient leurs armes et lançaient aux échos ce grand cri de soulagement, leur acte de foi, de résolution et de sacrifice : « On peut y aller ! » Ils y allèrent de tout cœur ! Le camp fut rapidement levé et la petite troupe s’ébranla, courant vers le dénouement de son épopée.
L’expédition commença par un coup de maître. Sur la grand ’route de Saint-Hubert à Laroche, non loin de Champlon, une colonne allemande cheminait … Cortège pittoresque s’il en fut : petits chariots tirés par de maigres chevaux harassés, camions lourds traînant au pas d’homme quelques remorques craquant sous le butin d’un dernier pillage… Se faufilant dans tout cela, une douzaine de cyclistes ayant mis pied à terre poussant paresseusement leurs vélos. En tout, une centaine d’hommes s’enfonçaient dans le filet que venait de leur tendre les partisans.
Ceux-ci au nombre de quatre-vingts, bien à couvert, attendaient que l’ennemi se fut entièrement engagé entre les deux lignes de tirailleurs… Au signal, toutes les armes crépitèrent à la fois. Les grenades voltigeaient deux secondes dans l’air et tombaient dans un bouillonnement de flammes, de fumée et de poussière. Un vacarme infernal, une panique sans nom … ! Un tourbillon d’hommes et de chevaux, un bruit de ferraille, des cris d’épouvante et de haine, des ordres incompris ou qu’on n’écoutait plus …
A peine commencé, le massacre s’acheva. Seuls survivaient quelques Allemands qui avaient eu le temps de se terrer dans les fossés ou derrière un blindage. On les emmena au camp.
Les P.A. firent une ample moisson d’armes et de minutions. Ce qui ne pouvait être emporté était détruit. Puis les patriotes occupèrent le village et se tinrent prêts pour de nouvelles opérations.
Le 4 septembre, Baligand partit très tôt le matin en direction de Liège afin de rencontrer là-bas, le commandant de Corps de la région. Accompagné de sa fidèle secrétaire, le chef s’était muni d’un poste récepteur portatif.
A Petit-Han, nos patriotes s’arrêtèrent chez un partisan afin de se restaurer. Ils profitèrent de ce repos pour capter une émission radiophonique. Quelle ne fut pas leur stupeur en apprenant que les alliés, après avoir dépassé Bruxelles, continuaient leur avance vers Liège. Et Patton était toujours sur la Meuse à Sedan !
Ce communiqué réduisit à néant l’idée que les partisans s’étaient faite sur la stratégie alliée. Ainsi donc, il ne pouvait être question d’une percée dans les Ardennes ! Au contraire, les armées libératrices avaient foncé directement plus au nord.
Et pourtant, on annonçait encore des combats aux environs de Compiègne. Les plans des P.A. se trouvaient entièrement bouleversés. De nouvelles instructions devaient être données immédiatement. Malgré l’ignorance dans laquelle on les laissait, les maquisards s’appliquèrent à dessiner une autre manœuvre.
Ordre fut donné de continuer la guérilla mais de se tenir prêt pour un mouvement de plus grande envergure. Dare-dare, Baligand partit pour Liège où, prévoyait-il, l’ennemi tenterait l’ultime résistance… Quittant les routes, parfois, pour emprunter un sentier ou même une voie ferrée afin de profiter d’un raccourci, le chef et sa secrétaire affrontaient toutes les embûches.
Aux environs de Trois-Ponts, sur la grand ’route de Liège, nos patriotes virent trois hommes sortir d’un fossé à trois ou quatre cents mètres en avant. Sommés de s’arrêter, ils s’aperçurent qu’ils avaient affaire à trois P.A. en reconnaissance. Le groupe dont ceux-ci faisaient partie avait déjà nettoyé quelques postes d’observation dans la contrée. Et aussi avec quels moyens ! Les trois éclaireurs n’avaient qu’un révolver pour tout armement.
En arrivant à Angleur, Baligand trouva la population en effervescence : « On annonçait l’entrée des Américains à Seraing » ! Notre homme se dit que si la nouvelle se confirmait, il ne trouverait personne à Liège. Néanmoins, il poursuivit sa route.
A Liège, le commandant se rendit directement chez un camarade de régiment dont il avait retenu la maison longtemps d’avance. En bon patriote, l’homme tint parole et Baligand établit chez lui son P.C. Il commença par installer son poste de radio puis envoya sa secrétaire à la recherche de J … G … commandant du Corps de Liège.
Le mardi 4 septembre, de grand matin, G … et Baligand étaient en contact. L’échange d’ordres et de rapports se fit aussitôt. Une armée de 1500 à 2000 hommes étaient prêts pour le soulèvement. Le mercredi soir, le nettoyage de la rive gauche de la Meuse commença. Il se termina le jeudi matin et, dans la soirée, les Américains, à leur arrivée trouvèrent le champ libre.
Les alliés s’établirent sur les hauteurs qui dominent la ville car les Allemands occupaient toujours la rive droite sur un plan délimité par L’Ourthe et la Meuse, de la Chartreuse à Jupille en passant par Bressoux.
Les partisans se devaient d’intervenir au plus tôt dans ce secteur. On fit appel au 1 er régiment groupé aux environs de Jupille. Les effectifs se concentrèrent dans le triangle décrit plus haut et se préparèrent pour le dernier assaut …
A suivre : « Le pont d’Esneux ».