Le 20 mai 1871, le réfugié Français Victor Hugo, dans une lettre qui devait paraître le lendemain 27 mai dans le journal l’Indépendance belge, élevait une énergique protestation contre la déclaration du gouvernement belge.
Il écrivait :

Le gouvernement belge a tort de refuser l’asile.
La loi lui permet ce refus, le droit le lui défend.
Moi qui vous écris ces lignes, j’ai une maxime : Pro jure contra legem
L’asile est un vieux droit. C’est le droit sacré des malheureux.
Au Moyen Age, l’Eglise accordait l’asile même aux parricides.
Quant à moi, je déclare ceci :
Cet asile que le gouvernement belge refuse aux vaincus, je l’offre.
Où ? En Belgique.
Je fais à la Belgique cet honneur.
J’offre l’asile à Bruxelles.
J’offre l’asile place des Barricades n°4.
Qu’un vaincu de Paris, qu’un homme de de la réunion dite « Commune » frappe à ma porte, j’ouvre. Il est dans ma maison : il est inviolable.
Est-ce que, par hasard, je serais un étranger en Belgique ? Je ne le crois pas. Je me sens le frère de tous les hommes et l’hôte de tous les peuples.
Dans tous les cas, un fugitif de la Commune chez moi, ce sera un vaincu chez un proscrit : le vaincu d’aujourd’hui chez le proscrit d’hier.
Je n’hésite pas à le dire, deux choses vénérables.
Une faiblesse protégeant l’autre.
Si un homme est hors la loi, qu’il entre dans ma maison. Je défie qui que ce soit de l’en arracher.
Si l’on vient chez moi prendre un fugitif de la Commune, on me prendra. Si on le livre, je le suivrai. Je partagerai sa cellule. Et, pour la défense du droit, on verra à côté de l’homme de la Commune qui est le vaincu de l’Assemblée de Versailles, l’homme de la République qui a été le proscrit de Bonaparte.
Je ferai mon devoir. Avant tout les principes.
Un mot encore
Ce qu’on peut affirmer, c’est que l’Angleterre ne livrera pas les réfugiés de la Commune.
Pourquoi mettre la Belgique au-dessous de l’Angleterre ?
La gloire de la Belgique, c’est d’être un asile. Ne lui ôtons pas cette gloire.
En défendant la France, je défends la Belgique.
Le gouvernement belge sera contre moi mais le peuple belge sera avec moi.
Dans tous les cas, j’aurai ma conscience.
Attaque la nuit par les bandes de la réaction.
Or le même jour, dans la nuit du 27 au 28 mai, la maison de Victor Hugo, habitée par quatre femmes et de petits enfants était attaquée par une bande de misérables voyous, de canailles et de provocateurs de la réaction poussant des cris de mort et cassant les vitres à coups de pierre et tentant d’escalader les murs et d’enfoncer les portes.
Cet assaut commencé à minuit dura plus de deux heures. La police n’intervint pas et laissa faire les énergumènes qui sans cesse criaient : « A mort Victor Hugo ! A bas Victor Hugo ! A la potence, à la lanterne Victor Hugo ! A bas le brigand ! A Cayenne, à Mazas, Victor Hugo !
L’Arrêté d’expulsion du Gouvernement belge
Or en présence de ce fait qui constitue un crime qualifié, attaque à main armée la nuit, d’une maison habitée que fit le gouvernement belge ?
Il prit la résolution suivante n° 110555 :
Article unique :
Il est enjoint au sieur Victor Hugo, homme de lettres, âgé de soixante-neuf ans né à Besançon, résidant à Bruxelles.
De quitter immédiatement le royaume avec défense d’y rentrer à l’avenir, sous les peines comminées par l’article 6 de la loi du 7 juillet 1865 prérappelée.
Notre ministre de la Justice est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Donné à Bruxelles le 30 mai 1871.
Le 1 er juin, Victor Hugo quittait la Belgique après avoir déclaré qu’il persisterait à ne pas confondre le peuple belge avec le gouvernement belge et en remerciant le peuple belge de l’avoir honoré d’une longue hospitalité en Belgique.
Extrait du livre « La Chevalier de la Paix » de Florimond Bonte (éditions sociales 1952)