Réflexions à propos du populisme

Constat

Nous sommes à la croisée des crises. La crise financière, d’abord, démarrée en septembre 2008 et dont nous ressentons encore les effets aujourd’hui alors que plusieurs économistes annoncent déjà la suivante. Cette crise financière s’est rapidement transformée en crise économique. Une crise économique qui est devenue une crise budgétaire au gré des réponses austéritaires qui seront appliquées – singulièrement le vote en 2013 du TSCG (Traité sur la stabilité, la croissance et la gouvernance) par les États membres de l’Union européenne. Une crise budgétaire qui est, dans sa nature, une crise politique. Toutes ces crises qui se superposent sur une planète de moins en moins capable de supporter le système économique qui les a rendus possible. Une crise environnementale et climatique.

L’absence de toute véritable réforme du système économique a avivé et vivifié le sentiment d’injustice de larges couches de la population et a fait ressentir avec plus d’acuité encore, la violence structurelle et les rapports de domination. Sentiment qui se trouve exacerbé aujourd’hui par le tribut à payer pour tenter de résister aux changements climatiques.

Aujourd’hui, ce sentiment d’injustice percole, se libère et normalise des comportements politiques de rejet. Outre l’élection de Donald Trump aux États-Unis ou de Bolsonaro au Brésil, l’extrême droite est désormais aux Affaires en Hongrie, en République Tchèque, en Autriche, en Italie ou en Suède. En France, elle a atteint 34% au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017. En Allemagne, elle fait chanceler le paysage politique. En Belgique, la NV-A s’est faite l’étendard fréquentable de certains de ses projets politiques et les autres partis gouvernementaux ne lui en ont pas fait barrage.  

Ces résultats électoraux inquiétants illustrent le climat de plus en plus délétère au sein de nos sociétés. La polarisation et la cristallisation des tensions toujours plus marquées entre les groupes sociaux, la prolifération des groupes identitaires extrémistes, la désertion progressive des formes de contestation traditionnelles et la multiplication des expressions politiques de la violence, jusqu’à sa manifestation paroxystique : le terrorisme.

Dans ce climat économique, social, politique et environnemental critique, les discours autour du terrorisme dit islamiste (dont le traitement diffère largement de celui des manifestations de violence politique d’autres groupes extrémistes) ou encore le discours autour de la dite crise migratoire ont malheureusement permis d’agglomérer les ressentiments et de révéler des réflexes discriminants ou racistes, latents dans notre société.

Poussées par la libération du discours autour de la lutte contre le terrorisme ou la gestion des migrations, les réponses politiques et législatives qui leur sont apportées traduisent très souvent ces discours en réalité. Les mots sont performatifs. Or, en réalisant certaines propositions emblématiques de l’extrême droite, l’on donne raison, même malgré nous, à toutes les idées qui les fondent et les font vivre.

Il faut constater et dénoncer ces méthodes de gouvernement de plus en plus liberticides, autoritaires, et, finalement, démocraticides en ce qu’elles attaquent frontalement l’État de droit, la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes, au sommet de laquelle se trouve la Charte des droits fondamentaux qui rappelle pourtant, notamment, l’exigence de fraternité.

Pour ne pas parler de populisme

Populisme est un mot galvaudé, presque vide de sens. Il sert à ceux qui l’utilisent pour se présenter comme des personnes raisonnables, en rejetant le discours de la personne visée dans le champ de la déraison. L’utilisateur du terme populiste se positionne en défenseur du statu quo et moque le caractère simpliste des propositions dénigrées. Ce faisant, l’on entend indirectement disqualifier le peuple, la masse populaire.Ce n’est pourtant pas pour autant, loin s’en faut, que celui qui taxe de populiste entend faire justice à la complexité de la réalité.

Le simplisme et les raccourcis caractérisent en effet une part grandissante des politiques publiques et des discours qui les accompagnent. Avant d’être populistes, ces discours et ces politiques sont démagogiques.   Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s’adresser aux pulsions, aux frustrations du peuple, à ses ressentiments et à ses craintes. Il veut capitaliser sur les peurs des individus, leur donner corps. Il vise la satisfaction immédiate des attentes ou des souhaits les plus fréquemment exprimés du public (ou l’interprétation qu’on s’en fait suite, par exemple, à la montée électorale de l’extrême droite). Le déploiement, illégal, des militaires dans l’espace public est un exemple flagrant d’une réponse démagogique, aussi inutile que démocratiquement délétère.

L’argumentation démagogique fait fréquemment appel à la facilité voire à la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent a priori évidentes.

A suivre

Laisser un commentaire