Ingrédient n°5 : Un syndicalisme « large »
Un syndicalisme « large », qu’est-ce que ça veut dire ? Un syndicalisme qui s’inscrit dans le combat pour le progrès social, le progrès démocratique, le progrès écologique et la paix. Un mouvement syndical qui sort du corporatisme étroit. Cela implique plusieurs éléments.
Défendre le caractère interprofessionnel du syndicalisme. Une des forces du syndicalisme belge, par comparaison avec le mouvement syndical dans d’autres pays, est son caractère interprofessionnel. La grève du 15 décembre 2014 était assez exceptionnelle en Europe. Dans très peu d’endroits du monde, on peut voir un mouvement syndical capable de paralyser autant un pays.
Parfois, des tendances corporatistes ou l’expression « nous devons garder des cartouches pour notre secteur » sont « courtermistes » et sous-estiment la force des acquis obtenus grâce à la mobilisation interprofessionnelle. Même les secteurs « forts » peuvent tirer parti de la mobilisation de l’ensemble du monde du travail. Il en va a fortiori de même pour les secteurs « faibles » ou peu organisés.
La mobilisation interprofessionnelle est aussi un frein au développement des inégalités au sein même du monde du travail. Le monde patronal voudrait pouvoir différencier beaucoup plus encore les augmentations de salaire entre secteurs productifs et moins productifs. Il sait bien que plus les écarts sont grands au sein même du monde du travail, plus la solidarité dans l’ensemble du monde du travail est difficile à établir.
Défendre un syndicalisme qui unit travailleurs du Nord et du Sud du pays. Pratiquement toute l’histoire victorieuse du mouvement ouvrier de notre pays s’est écrite dans toutes les langues du pays. La grève de 1936 ou celle de 1960-61 ont démarré à Anvers. La première chez les dockers et la deuxième chez les fonctionnaires. D’autres ont démarré au Sud du pays… Jamais le mouvement syndical n’a été homogène, mais jamais il n’a pu obtenir de grande victoire dans la division communautaire.
Défendre le front commun syndical. En Belgique, le mouvement syndical est divisé principalement en deux grands syndicats. Si on s’engage dans la lutte avec la moitié du monde du travail en moins, cela rend le combat syndical beaucoup plus compliqué. Par tous les moyens, le syndicalisme offensif cherche à développer le front commun syndical, à unir, à rassembler. Il évite les guéguerres secondaires.
Défendre un syndicalisme ouvert et uni aux autres couches de la société. Dans les combats syndicaux, le syndicalisme offensif cherche à unifier, à concentrer ses flèches contre la toute petite minorité qui écrase cette société. Il n’attise pas des contradictions inutiles avec les usagers des services publics, avec des petits propriétaires, avec les automobilistes…
Défendre un syndicalisme qui s’engage dans les grands combats de société : solidarité internationale, lutte contre le racisme et la discrimination, lutte pour un environnement sain, lutte pour la paix… Un ensemble de combats qui ne s’arrêtent pas aux frontières du syndicat. Un ensemble de combats qui, au contraire, permettent d’unir toujours un peu plus le monde du travail et les couches autour du monde du travail. Le changement social de fond pourra se produire si le monde du travail arrive à se rassembler largement et à rassembler autour de lui.
Paul Lootens